ENTRE PROJET DE RÉAMÉNAGEMENT DU BARRAGE DE LA CHAL ET INQUIÉTUDE DES RIVERAINS
Publié le jeudi 14 août 2025 - Saint-Colomban-des-Villards
Le 9 juillet 2025, une soixantaine de personnes ont participé à la réunion publique d’information organisée par la Mairie de Saint-Colomban-des-Villards, à la Salle des Fêtes.
En introduction, le Maire, Pierre-Yves Bonnivard, a situé le contexte. Programmée depuis plusieurs semaines, cette réunion devait essentiellement permettre à la Société Hydraulique d'Études et de Missions d'Assistance (SHEMA) de présenter son projet de réaménagement complet de la retenue et de la prise d’eau de La Chal.
L’épisode de crue avec le déferlement de laves torrentielles, survenu le 30 juin à La Chal, a bouleversé l’ordre du jour. Une heure et dix minutes ont été consacrées à l’évocation du futur ouvrage. Le reste du temps (deux heures) a été réservé à un instant d'échanges avec la population locale, en particulier les riverains du Glandon, qui sont les premiers concernés et impactés par le projet.
Réaménagement du site de La Chal
La présentation du réaménagement du site de La Chal, a été assurée par Aude Poinot, cheffe de projets Développement de SHEMA et référente du projet depuis deux ans et demi. Elle était accompagnée de Jean-Charles Galland, directeur général, et de Romain Chevaudonna, de la société Hydrostadium. Ce bureau d’études en ingénierie du parcours d'eau vive accompagne la société exploitante.
En première partie, Aude Poinot a montré que l’historique du barrage de La Chal et de sa centrale hydroélectrique située à Saint-Alban-des-Villards est loin d’être un long torrent tranquille.
Le projet date des années 1970. Il a beaucoup évolué avant que la FHYT n’obtienne une autorisation préfectorale de concession hydroélectrique en 1999. L’aménagement a été mis en service en 2003. Puis, en 2008, FHYM s’est substitué à la FHYT par un nouvel arrêté préfectoral et, enfin, SHEMA a succédé à FHYM par un arrêté préfectoral de 2017.
« Avant la crue centennale du 30 juin dernier, et ses graves conséquences sur des habitations en rive droite, plusieurs épisodes de laves torrentielles s’étaient déjà produits brusquement dans le torrent du Glandon, a rappelé Aude Poinot. Parmi les plus intenses celles du 8 août 2017 et, surtout, du 19 novembre 2018 ont suscité de vives inquiétudes de la part des riverains de la retenue. Des débordements au niveau du pont communal des Moulins avaient occasionné des désordres importants. Ce qui a conduit les services de l’État à demander à SHEMA des études complémentaires sur son ouvrage pour garantir la sécurité des personnes et des biens. »
Un nouvel ouvrage sans retenue
« De 2018 à 2025, a ajouté Aude Poinot, beaucoup de temps a été consacré à une série d’études engagée par SHEMA sur les phénomènes complexes qui se passent dans le Glandon. Au final, après de nombreux échanges avec les services de l’État sur la qualification du risque, la sécurisation du site et la pérennisation de la production d’énergie, une modification totale de l’exploitation du site de La Chal a été proposée par SHEMA. »
Les travaux seront réalisés en plusieurs phases sur deux ans (2025 et 2026) :
- Démantèlement et ouverture du barrage actuel,
- suppression de la retenue,
- chenalisation du lit du Glandon,
- installation d’une nouvelle prise d’eau,
- Intégration paysagère du site.
Concrètement, le barrage actuel va être supprimé, la retenue sera comblée. Un chenal en enrochements bétonnés de 12 mètres de large avec une pente régulière de 7,5% sera aménagée, entre l’aval du pont des Moulins et le barrage actuel. Ce qui répond à une mise en sécurité exigée par l’État (Préfecture de la Savoie), car il permet un écoulement sans entrave des laves torrentielles (voir illustration).
Des terrasses (ou banquettes) de 15 mètres de large avec une pente transversale de 2% seront positionnées sur la rive gauche du torrent, à deux mètres au-dessus du fond du lit. Le but ? Constituer une zone potentielle d’expansion des laves torrentielles de forte ampleur et, ainsi réduire le risque de débordement en rive droite où il y a les villages. Sur cette rive, des berges de protection (3,50 mètres de hauteur) permettront de contenir des laves exceptionnelles.
Pour SHEMA, ce projet représente un investissement supplémentaire de 9,8 millions d’euros, à ajouter aux 40 millions d’euros de l’investissement initial.
Sur un plan administratif, en novembre 2024, l’entreprise a déposé à la Préfecture de Savoie un dossier de demande d’autorisation d’exécution des travaux de modification du barrage de La Chal. L’arrêté préfectoral accordant cette autorisation a été signé le 16 juillet 2025. Ce qui a permis d’enclencher la période de préparation du démantèlement du barrage.
Démantèlement, ouverture du barrage et chenalisation du lit du Glandon
Aude Poinot : « La première étape, c’est la période de préparation du chantier. Elle va durer deux mois et demi. Les entreprises vont effectuer un certain nombre de mesures sur le terrain, d’études… Elles doivent établir des procédures pour la gestion des déchets, de l’environnement, de la sécurité… Ensuite, les travaux de démantèlement et d’ouverture du barrage ont été priorisés. Ils débuteront à partir du mois d’octobre 2025 et devraient durer deux mois et demi.
Du coup, plus de barrage en fin d’année 2025 et une mise en sécurité effective. »
Dans le même temps, SHEMA et les entreprises vont préparer le chantier de chenalisation du lit du Glandon. Les travaux commenceront en juillet 2026 pour s’achever en novembre de la même année (*).
Évacuation et stockage des matériaux
« Globalement, l’un des sujets principaux du déroulement du chantier, c’est l’évacuation et le transport des matériaux produits par le démantèlement du barrage en 2025 et la chenalisation du lit du Glandon, un an plus tard. »
L’objectif est de restreindre le plus possible l’évacuation par la route des matériaux évalués à 38 000 m³. Entre 15 et 20 camions semi-remorques circuleront groupés par jour, entre octobre et décembre 2025. L’objectif est de limiter le bilan carbone de l’opération, les nuisances causées au voisinage et de prendre en compte des raisons économiques. Un maximum de matériaux utilisables sera utilisé sur site pour réaliser notamment le chenal ou effectuer des remblaiements…
Des études sont en cours avec les services de l’État (DREAL et DDT), en lien avec la Mairie de Saint-Colomban-des-Villards, pour voir si ces matériaux peuvent être valorisés, et de quelle manière, à proximité de l’ouvrage.
Nouvelle prise d’eau et intégration paysagère
Aude Poinot : « Plusieurs solutions de prise d’eau ont été envisagées. Finalement, après échanges avec l’État, et en tenant compte des contraintes réglementaires et topologiques du site, la seule solution qui était réalisable techniquement a été retenue. Il s’agit d'une prise d’eau latérale en rive droite du Glandon, qui se situe à 180 mètres en amont du barrage actuel. Pourquoi ? Tout simplement pour éviter une zone naturelle de dépôt de matériaux du torrent.
La prise d’eau doit répondre à plusieurs enjeux : le premier ? Elle doit favoriser, à l’inverse du barrage actuel, le transit sédimentaire.
Le deuxième enjeu est lié au premier, c’est la sureté en évitant les débordements en rive droite où se trouvent des habitations. C’est pourquoi on a choisi de développer un dispositif avec des terrasses en rive gauche qui font que, quoiqu’il arrive, l’événement va passer, soit dans le chenal, soit, au pire, sur les terrasses.
Le troisième enjeu, c’est la dévalaison piscicole. Grâce à un dispositif adapté, cette nouvelle prise d’eau permettra le passage des poissons, de l’amont vers l’aval.
Dernier enjeu : l’intégration paysagère. L’étude qui a été réalisée est encore ouverte à discussions avec les riverains. Elle propose que les digues édifiées à proximité des habitations soient mieux intégrées dans leur environnement proche. À cet effet, elles pourront être remodelées et végétalisées dans certains secteurs pour réduire au maximum les points de visibilité de l’ouvrage. »
Détections des laves torrentielles
En fin d’intervention, Aude Poinot a abordé un sujet sensible : la détection des laves torrentielles. De nouveaux outils ont été mis en place par SHEMA pour pallier un certain manque de précision des alertes météorologiques de Météo France.
Le 2 juillet, avec l'accord de la Mairie, deux pluviomètres mobiles ont été installés sur les deux bassins versants concernés par les laves, ce qui permet de capter tout ce qui se passe sur les affluents de la rive droite du Glandon posant un problème et du Glandon lui-même. Ils fournissent des données très localisées et, du coup, beaucoup plus précises dans les alertes face à un événement.
Aude Poinot : « Ces données sont complétées par celles fournies par d’autres systèmes de détection : la mesure du niveau d’eau pour évaluer l’élément une fois qu’il est là. Les pluviomètres, c’est pour dire qu’il y a de la pluie, donc des risques de laves torrentielles. La mesure du niveau d’eau, c’est pour dire que les laves sont là, et qu’en tout cas, il se passe quelque chose. Trois capteurs de mesure de la hauteur du niveau d’eau ont été installés sur les trois ponts départementaux, qui sont en amont du site de La Chal. Ces capteurs sont suffisamment éloignés pour que l’on puisse détecter l’événement et réagir suffisamment dans les temps. »
Quatre capteurs sismiques de surveillance ont également été mis en place avec l'accord de la Mairie : deux sur le Glandon et deux dans le nant des Granges. Ces instruments enregistrent toute vibration brutale comme un bloc de rocher qui roule dans le lit d’un torrent. Dans ce cas, une alerte est déclenchée. Un poste d’acquisition des données fournies par ces capteurs a été installé à Montrond d’en bas.
À l’issue de sa présentation sur le projet de réaménagement du site de La Chal exploité par SHEMA, Aude Poinot, cheffe de projets Développement, a cédé la parole à l’assistance. Une vingtaine de personnes sont intervenues. La plupart résident à La Chal et sont directement impactées par ce projet.
Avec beaucoup d’émotion et, parfois de la colère, des riverains de l’ouvrage ont fait part de leur détresse. Avec gravité, ils ont aussi exprimé leur inquiétude, voire leur angoisse, face à un avenir qui reste sombre pour certains d’entre eux.
(*) Le chantier sera opérationnel du lundi au vendredi de 7h à 18h. Pour les travaux bruyants, l’horaire sera : 8h à 12h et de 13h à 17h. De l’arrosage de chantier est prévu contre la poussière.
Légende de la photo
Le site du barrage de La Chal vu du pont des Moulins (14 août 2025).
Publié par Mairie de Saint-Colomban-des-Villards


